2017… Il aura fallu plus de vingt ans pour que la peinture s’impose à nouveau à moi comme l’évidente nécessité d’une renaissance…
Le déclic fut le portrait d’une mère disparue trop tôt, magie désarmante de cette matière couleur qui me permettait à nouveau de caresser sa joue 17 années plus tard, de figer sa présence, sa force intérieure et de réconforter par la même une peur intense d’en oublier les traits.
C’est en soignant la petite fille que j’allais accepter de grandir et que la peinture serait ma compagne de route. J’ai peint alors mes enfants, absorbés dans des instants de jeux dont les regards échappaient aux nôtres.
Puis j’ai démarré une série d’autoportraits, déguisée dans des postures oscillantes entre l’absurde, la détermination, l’espoir. Cheminements intimes, à la fois pudiques et offerts à chacun, oscillants entre univers chimérique, symbolique et réaliste.
Guerrière ou licorne, être humain, volonté de faire la paix avec moi-même, d’affronter mes peurs, de cultiver le sol, de m’ancrer dans la terre pour m’en nourrir et m’élever.
D’une rencontre intense et douce avec un sanglier dans la forêt d’Othe, de cette force qu’il me transmettait ce jour là, j’ai bifurqué dans les forêts. Alors, la peinture de paysage s’est imposée comme le sujet me permettant d’affirmer la reliance de tout mon être à la nature, jusqu’à disparaitre de la toile pour laisser l’organique, le végétal envahir et composer les toiles.
Rentrer en peinture comme rentrer dans la forêt … se perdre dans la narration, se perdre dans l’espace, pour n’être plus que dans un rapport de gestes, de respirations et de rythmes dévolus à la toile qui peu à peu se couvre, ou laisse apparaitre les transparences, les percées de lumières.
Un parcours comme un palimpseste. Les traces disparaissent ou s’affirment dans une succession de couches pour devenir peaux qui se meuvent dans le temps et l’espace.
J’avance et peins les forêts, dans une superposition de verticales, d’obliques colorées, de rythmes optiques et de silences contemplatifs invitant chacun à sa propre déambulation, méditation, ou danse.
Depuis le mois d’octobre 2021, j’ai entamé un travail pictural de paysages et de ciels nocturnes, où l’obscurité et la lumière cohabitent, chacune permettant à l’autre de se révéler.
Les « Nocturnes » sont une invitation à contempler le silence, à rester à l’affût de tout ce qui se meut au rythme des saisons. Les transparences et les superpositions de couleurs deviennent des « calques » qui permettent au regard de toujours rentrer dans la profondeur du paysage.
La lumière joue avec la couleur pour affirmer une forme, pour souligner une ligne, pour prolonger le paysage au-delà du cadre.
Conviction profonde que rien n’est jamais totalement dans l’obscurité et l’immobilité, mais que toujours la lumière et le mouvement s’y glissent pour sublimer l’éveil.
Il faut juste se poser, changer de point de vue pour que le récit se déroule et que chacun l’habite …
Chacune des toiles bascule entre abstraction et figuration pour en offrir une vision romantique.
Le printemps prenant à nouveau sa place, mon regard a contemplé et observé les ciels… des ciels tourmentés aux ciels apaisés, des ciels silencieux aux ciels murmurants ou bruyants. Ces œuvres sont autant de résonnances entre les émotions vécues que les paysages, les cycles traversés et observés.
Ma peinture matérialise un mouvement perpétuel entre le dedans et le dehors, entre sol et ciel, entre unicité et universalité, là où je suis, dans une nature bienveillante à notre égard.
La nature continuera de conserver, au-delà de nos passages éphémères, tous les souvenirs que nous y avons greffés et c’est cela je crois qui m’émeut.
Laurence Douadi
« Une peinture de paysages figeant des instants de lumière. Tous les tableaux sauf un sont absents de tout personnage, et pourtant, curieusement, ils sont tous habités. Peut-être habités de notre regard à en faire partie.
Laurence maîtrise l’appel immersif et la relation entre le spectateur et la chose vue, elle est dans la relance de l’humain à l’image. Elle est la suite de Corot dans ce que le paysage nous prend.
On peut dire que Laurence Douadi a définitivement dépassé David Hockney en rajoutant la note de sensible qui apporte au pop art le plus de la peinture sociale du 19ème ».
Patrick Frémeaux
Éditeur de l’Histoire Philosophique des Arts
(Frémeaux PUF)
Marchand d’art à Vincennes